Pourquoi avoir participé au Concours Bois&Design ?

J’ai découvert le concours Fibois grâce à des amis qui avaient participé aux cessions précédentes. Pour ne rien vous cacher, le terme « design » m’en avait tenu éloigné jusque-là car ce mot me met relativement mal à l’aise : anglicisme d’abord, mais aussi l’idée sous tendu que le dessin (le concept) primerait sur le dessein, cette recherche de sens prélude à l’acte de création. J’aime les objets qui racontent des histoires et nous obligent à questionner l’espace autour d’eux. Pourtant, la volonté de Fibois de valoriser les essences de bois et les filières d’exploitations locales me semblait essentielle. J’ai voulu m’associer à cette démarche qui est celle de mon atelier depuis sa création : n’utiliser que des bois locaux et replanter tous les ans les essences utilisées dans mes créations.

Comment êtes-vous arrivé dans le monde du bois ?

Initialement, ma volonté était me spécialiser dans les métiers de la restauration et de la conservation du patrimoine. J’ai alors suivi le cursus de l’Ecole du Louvre, dont je suis sorti diplômé, en parallèle d’un CAP en ébénisterie dans un lycée technique d’Ile de France. J’ai alors été happé par le monde du cinéma dans lequel j’ai travaillé pendant vingt ans en organisant mon temps entre mes activités professionnelles et ma passion pour la restauration du bâti ancien et la menuiserie. C’est ainsi que j’ai développé mes compétences, ma compréhension et une certaine expertise technique dans les métiers du bâtiment.

En 2018, j’ai décidé de me consacrer pleinement à cette activité en créant l’Atelier Villard, nom inspiré du compagnon et maître d’œuvre médiéval Villard de Honnecourt, dont la Bibliothèque Nationale de France conserve le carnet de croquis et de tracés architecturaux.

Distingué comme Artisan d’art en 2022, j’exerce principalement une activité de création de pièces uniques ou de toutes petites séries, ainsi que de réalisation de mobilier sur mesure pour des particuliers et des prescripteurs.

Comment avez-vous pensé à votre objet ?

Ma volonté première était de réaliser une pièce en hommage à l’ethnologue Jean Cuisenier avec qui j’avais eu la chance de travailler sur un projet de documentaire sur les Carpathes roumaines, et qui devait commencer par cette phrase : « Être Normand c’est être tourné vers l’océan, les pieds ancrés sur la terre et les yeux fixés à l’horizon. On ne peut vivre proche de la mer sans que naisse en soi le désir d’aller au loin. » Collaborateur de Raymond Aron, avant de devenir directeur du Centre d’ethnologie française au CNRS mais aussi Conservateur en chef du Musée National des Arts et Traditions Populaires de Paris, il avait enseigné à Caen et pris attache dans le village côtier de Bernières-sur-Mer, dans le Calvados. C’était aussi, à ses heures, un navigateur passionné et audacieux.

Il me fallait donc concevoir une pièce qui soit à la fois solidement ancrée sur la terre et en même temps prête à faire voile vers l’horizon. Je disposais alors dans mon stock de bois d’un magnifique plot de noyer acquis en 2019. Cet arbre avait été coupé lors d’un chantier de construction à Gacé (Orne), à dix kilomètres de chez moi, avant d’être récupéré par une scierie locale qui l’avait débité et stocké pendant plus de quinze ans.  La structure de mon luminaire a donc été réalisée avec ce bois.

Pour les voiles, j’ai souhaité utiliser les papiers japonais « washi » créés par le Maitre papetier Benoit Dudognon, installé à Salasc dans le sud de la France, avec qui je collabore depuis les débuts de l’Atelier. Je me suis inspiré dans ma réflexion du travail de l’architecte japonais Jun Aoki, et de sa référence aux voiles des bateaux traditionnels Higaki-Kaisen, pour l’architecture de la Maison Osaka Midosuji, boutique Louis Vuitton dans le quartier Shinsaibashisuji, à Osaka, au Japon.

Qu’avez-vous prévu pour la suite ?

Je ne suis pas le meilleur technicien du bois mais je suis diffèrent. Mon ambition est de cultiver cette différence tout en m’employant à améliorer ma technique afin de résoudre des complexités qui me permettront d’aller toujours plus loin dans mes créations. Pour ce faire, il est indispensable de pouvoir travailler sur des pièces ambitieuses qui mettent au défi et obligent à rechercher l’excellence. Le fait d’avoir remporté le prix « professionnel » du concours Fibois est une étape importante dans cette progression qui nécessite à la fois d’être remarqué mais aussi d’acquérir le crédit nécessaire pour retenir durablement l’attention.